La seigneurie de Runaudren 

 

La seigneurie de Runaudren ed2

L’orthographe du nom de lieu Runaudren évolue dans le temps :

La forme Runaudren est attestée en 15031, en 17782, entre 1785 et 17903, Potier de Courcy retient cette forme en 18464, comme J.Lamare après classement des archives de la seigneurie en 1869 (malgré que ces archives contiennent une fois la forme Runodren dans un acte de 1692)5, puis Y.Botrel en 20026,

La forme Runoden IGN est retenue par le cadastre napoléonien7,puis par l’IGN8,

La forme Runauden est retenue par l’INSEE9

Le texte ci-dessous, en dehors des citations rapportées entre guillemets, utilise la forme historique Runaudren.

Le manoir de Runaudren se trouve sur la rive droite de la rivière du Guindy entre les vallées de deux ruisseaux qui se jettent dans cette rivière ; la rivière présente à cet endroit de nombreux méandres dont deux très prononcés10. Ces vallées, visibles sur la carte IGN, sont au nord celle qui s’étend de Kerléo à Runangos et au sud celle qui s’étend de Goasarhant au pied de « Runoden » ; les ruisseaux de ces deux vallées fusionnent juste avant de rejoindre la rivière du Guindy11; ainsi Runaudren se trouve sur un plateau à environ 60m d’altitude dominant la partie convexe d’un méandre vers l’Est de la rivière du Guindy.

Quelle peut-être l’origine du nom de lieu :

-          Run Audren : colline de Audren (patronyme) ? L’auteur de ces lignes n’y croit pas, convaincu que les noms de lieux anciens sont basés sur la structure du paysage qui les entoure ;

-          Rudolen (rencontré à Pédernec et Ploumilliau), issu de Run = tertre ou colline sur lequel se trouve le manoir et Dolen issu de Dol, Dolo(u) ou Dolen = méandres 12 13 14 15ou prés inondables, serait plus adapté.

La seigneurie de Runaudren possédait le droit de moyenne justice qui pourrait avoir été concédée ou confirmée en 155616 . Cette juridiction basse et moyenne passe dans la seigneurie de Coetloury avant 1695 ; les seigneurs de Coetloury déclarent ne pas exercer cette justice17 18 cependant la seigneurie de Runaudren peut l’avoir exercée antérieurement.

 

 

  1. Succession des seigneurs de Runaudren19 :

-          En 1473 Alix Menou, dame du Quellenec en Cavan, mariée à un Du Bot (famille de Kermaria-Sulard), est dame de Runaudren20.

-     Jean du Bot, fils des précédents est seigneur de Runaudren en 149321 et probablement dès 1481 où il est cité à Caouënnec comme lieutenant du capitaine de Jocelin22 ou Josselin23.

A noter que pour Potier de Courcy : les Du Bot ont pour armoiries « D’argent à trois merlettes de sable » qui sont aussi les armoiries de Le Treut de Kerjanégan24. Le Treut semble bien avoir possédé ces armes25, mais pas du Bot26.

-     Plezou du Bot, mariée à Rolland de Rosmar, Sr de Runangoff , est dame de Runaudren en 150327.

« A la Montre de Tréguier en 1503 paroisse de Cavan et trève de Cauuenec, Plezou du Bot dame de Runaudren comparu par Jan de Rosmar son fils »28.29

-          Jeanne de Troguindy, mariée en 1508 à Jean Quélen, est héritière de Runaudren et Quellenec en 1504 ;

« En 1504, Jeanne de Troguindy, dame du Quellenec, fournit un minu pour Runaudren »30.

Les autres auteurs ne citent pas le domaine de Runaudren dans les possessions de Jeanne de Troguindy31

Jeanne de Troguindy est probablement décédé avant septembre 152332

Ce passage de Runaudren par Jeanne de Troguindy étonne ; en effet, il serait logique de retrouver les propriétaires de Runaudren dans les descendants de Plezou du Bot et de Rolland de Rosmar jusqu’à Arthur de Rosmar ; les actes rencontrés ne mentionnent pas Runaudren dans les domaines possédés par ces descendants. René Quelen, le fils de Jeanne de Troguindy, est mariée à Marie du Bot d’une autre famille du Bot de Lennon en Cornouaille.

Néanmoins ce passage par Jeanne de Troguindy, dame du Quellenec, permet d’expliquer pourquoi Arthur de Rosmar ci dessous possède Le Quellenec-Bihan.

-          Arthur de Rosmar, seigneur de Runangoff et sieur du Quellenec-Bihan en 155233 , époux de Catherine de Plouézoch est seigneur de Runaudren en 1535 et 155234 35

Arthur de Rosmar et son frère Louis tuent Yves de Ploesquellec, fils de Pierre et de Françoise de Quelen36 ; la raison de ce meurtre reste à élucider, sachant qu’un lien de parenté peut exister entre ces deux familles par les Toupin (d’une part le premier époux de Françoise de Quelen, mère de Yves de Ploesquellec, est Alain Toupin, d’autre part Jeanne Toupin est la deuxième épouse de Nicolas de Kerbouric, ascendant de Olive Denis mariée à Jean de Rosmar , père et mère d’Arthur et de Louis37

- Jean (alias Guillaume) de Rosmar, fils des précédents, sieur du Quellenec-Bihan en 158338,  époux en 1559 de Jeanne de Kergorlay, est seigneur de Runangoff et de Runaudren en 158339 40

-      Amaury Jacob de Kerjegu est seigneur de Runaudren en 163341

Probablement celui marié à Suzanne de Rosmar qui pourrait être fille de Vincent de Rosmar (petit fils d’Arthur ci –dessus), marié en 1613 à Suzanne Feger.

La seigneurie de Runaudren est à Claude de Coëtloury en 167342.

Il reste à trouver comment la seigneurie de Coetloury acquiert la seigneurie de Runandren.

A noter que déjà « en 1640 Claude de Coittelloury, seigneur de Coittelloury et de Kermarquer, et François Jascob, sieur de Kereven s’échangent des convenants situés dans les paroisses de Quemper-Guézennec et dans la trève de Caouënnec43.

Ce François Jascob est le frère d’Amaury.

En 1695, Yves de Coitloury, fils de Claude, seigneur dudit lieu fournit un aveu mentionnant la terre de Runaudren44 45

La suite de l’histoire de la seigneurie de Runaudren est dans l’histoire de la seigneurie de Coetloury.

 

  1. Liste des biens de la seigneurie de Runaudren :

L’aveu fourni en 1695 par Yves de Coitloury, seigneur dudit lieu mentionne la terre de Runaudren située dans la trève de Caouënnec avec :

-          des prééminences dans l’église tréviale46 et « un escusson en bosse en la muraille du sepmettière, en l’endroit de la barrière vers le septantrion (le nord), à main droitte de l’entrée, armoyé, en escusson d’alliance, d’une molette et demye d’espron, et un demye cheffron et vères sans nombre » ;

-          la métairie noble de Kerleau ;

-          la chapelle Saint-Laurent et les caves situées auprès,

-          le bois de Coat-an-Quélennec

-          et de nombreuses terres47.

L’écusson d’alliance est composé à partir des armoiries de Rosmar « D’azur au chevron d’argent, accompagné de trois molettes de même » et Kergorlay « Vairé d’or et de gueules »48 ; en effet, Jean (alias Guillaume) de Rosmar est marié le 3 mars 1559 à Jeanne de Kergorlay, comme indiqué ci-dessus.

Les biens de la seigneurie de Coëtloury provenant de la seigneurie de Runaudren sont : le manoir de Runaudren en Caouënnec, la chapelle Saint-Laurent en Cavan, le lieu de Kerleau (alias Kerléo IGN ou Kerleo INSEE) en Caouënnec, les convenants Roudoumen (probablement le Roudevine actuel), Crechguen en Cavan, Kerjézéquel (dans la frairie du Quellenec en Cavan).49

La seigneurie de Runaudren possédait une chapellenie (un prêtre avec le titre de chapelain50) probablement dans sa chapelle privée de Saint-Laurent51.

La chapelle Saint-Laurent, patron des pauvres, était située en Cavan, au bord de la route de Lannnion à Guingamp, à 94m d’altitude, exactement entre Crech-Guen à l'ouest et Kerbiguet à l'est 52 (à un endroit occupé à la fin du XXe siècle par l’entreprise Caro Bureau). La construction de cette chapelle sur le territoire de la paroisse mère Cavan et non sur celui de sa trève Caouënnec s’explique probablement par le fait que la seigneurie de Runaudren possédait des biens en Cavan tels que le domaine du Quélennec-Bihan de la seigneurie de Quellenec (dont peut-être le moulin de Quélennec) et précisément le domaine de Crechguen. La localisation de cette chapelle, dite construite sur caves et détruite au XIXe siècle, a été une difficulté pour plusieurs auteurs53.

En 1885 cette chapelle est dite située près d’un tumulus (de l’époque celtique) de hauteur trois mètres soixante dix centimètres et de pourtour à la base de quarante et un mètres54.

Ce tumulus nommé Tossen-Modeno est fouillé en 1880 par MM l’abbé Prigent et Kerambrun, on y trouve du fer et des poteries55.

Le cadastre napoléonien (D 1ère feuille), met en évidence trois parcelles 517, 519 et 520 qui forment un cercle, donc peut-être ce tumulus ou une motte, entre Crech-Guen et Kerstephan au sud ouest de Crech-Guen et quelques parcelles (du genre fossés) au sud et à l'ouest de ce cercle56.

Les travaux de construction de la route à quatre voies entre Guingamp et Lannion, entre 1993 et 2007, ont comblé ces fossés57 .

La métairie noble de Kerleau est exploitée par Jean Nicol et son épouse Louise Pasquiou58 qui rendent aveu avant 1690 ; leurs enfants sont peut-être Aliénor (décédée le 9 mai 1767 à Buhulien à l’âge de 75 ans) et Yvonne la suivante ?

Une partie du lieu noble de Kerleau est vendue vers 1708 par Aliénor et Yvonne Nicol à François Le Moal marié à Yvonne Nicol59 ; les enfants de ces derniers naissent à Caouënnec entre 170860 et 1729 (les marraines de deux d’entre eux sont des Pasquiou).

A noter l’existence d’un tumulus de l’âge du bronze citée à Kerléo61.

Avant la Révolution, le moulin de Runaudren, attesté dès 169262 ,  appartient à Julien de Rosily63, fils de Mathurin, Conseiller au Parlement de Bretagne, marié à Marie-Yvonne de Coëtloury ; ce moulin est vendu comme bien national à Jean Joseph Nicolas Baudouin de Maison Blanche, homme de loi et spéculateur, le 15 ventôse an VII (5 mars 1799)64 ; ce moulin était situé à l’ouest du manoir dans un coude nord-ouest du Guindy 65; est-ce le moulin de Kerallic du cadastre napoléonien , qui situé sur la rive gauche du Guindy est sur le territoire de Tonquédec ?.

Pour aller plus loin dans la description, il faudrait :

- relire les rentiers de la seigneurie de Coetloury et identifier les biens initialement dans la seigneurie de Runaudren,

- analyser les noms des parcelles à l’époque dans les matrices cadastrales, pour rechercher celles qui évoquent chapelle, moulin, colombier, four.

 

1 Montre de Tréguier en 1503 AD22 1C184 et 74J49 par Philippe Caron sur le site Web Tudchentil

2 Ogée « Dictionnaire historique et géographique de La Bretagne »  1778

3 Carte de Cassini, levée de 1785 à 1790

4 Potier de Courcy « Nobiliaire et Armorial de Bretagne » 1846

5 .Lamare « Inventaire – sommaire des Archives Départementales antérieures à 1790  Côtes du Nord » 1869 et 1896 (en particulier  AD22 E2162, E2163, E2164, E2166)

6 Y.Botrel “Les Justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier »  2002  p222

7 Cadastre de 1826

8 Carte IGN 0715 Est

9 INSEE « Nomenclature des écarts, hameaux et lieux-dits » 1946 et 1982

10 Cadastre de 1826 (3P030_006)

11 Cadastre de 1826 (3P030_006)

12 F.Gourvil « Noms de famille bretons d’origine toponymique » 1993 (réédition de 1965) p61

13 F.Falc’hun avec la collaboration de B.Tanguy « Les noms de lieux celtiques, 2 ème série » 1970, p99

14 JM.Plonéis « La Toponymie Celtique_L’origine des noms de lieux en Bretagne » 1989 p150

15 A.Deshayes « Dictionnaire des noms de lieux bretons » 1999, p80

16 Y.Botrel “Les Justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier »  2002, p222

17 AD22 E2162

18 AD22 E2162

19Y.Botrel “Les Justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier »  2002, p223

20Y.Botrel “Les Justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier »  2002, p85 et 223

21Y.Botrel “Les Justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier »  2002, p223

22M.Nassiet « Dictionnaire des feudataires de l’évêché de Tréguier en 1481 », SocECdA , tCXXVII, 1998 p45

23Montre de l’évêché de Tréguier en 1481 par Pol Potier de Courcy (transcription d’Amaury de La Pinsonnais pour Tudchentil).

24Potier de Courcy « Nobiliaire et Armorial de Bretagne » 1846

25Guy Le Borgne « Armorial breton » 1667 p281

26 Selon Amaury de la Pinsonnais : aucune famille du Bot n’est recensée en 1668 avec ces armes.

27 M.Nassiet « Dictionnaire des feudataires de l’évêché de Tréguier en 1481 », SocECdA , tCXXVII, 1998, p73

28 Montre de Tréguier en 1503 AD22 1C184 et 74J49 par Philippe Caron

29 Comtesse du Laz SocECdN 1920 page 82

30 Y.Botrel “Les Justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier »  2002, p85

31 Couffon eSocECdN 1932 p187 ; Du Laz; R.Le Martret (Manuscrit de Keroulas)

32 AD22 E3019

33 Y.Botrel “Les Justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier »  2002, p85

34 Comtesse du Laz SocECdN 1920 page 82

35 Y.Botrel “Les Justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier »  2002, p223

36 R.le Martret (Manuscrit de Keroulas)

37 R.le Martret (Manuscrit de Keroulas)

38 Y.Botrel “Les Justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier »  2002, p85

39 Comtesse du Laz SocECdN 1920 page 82 et 85; Y.Botrel p223;F.Sallou SocECdA 2009 p209

40 Y.Botrel “Les Justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier »  2002, p223

41 Y.Botrel “Les Justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier »  2002, p223

42 Y.Botrel “Les Justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier »  2002, p223

43 AD22 E2162

44 AD22 E2162

45 AD22 E933

46 Y.Botrel “Les Justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier »  2002, p222

47 AD22 E2162

48 Potier de Courcy « Nobiliaire et Armorial de Bretagne » 1846

49 AD22 E2166 et E2164

50 G.Minois « Le recrutement du bas clergé dans le Tregor au XVIIIe siècle » MSHAB, tLVII, 1980, p200 à 208

51 Y.Botrel “Les Justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier »  2002, p222

52 Cadastre de 1835 D, 2è feuille

53 R.Couffon « Répertoire des Eglise et Chapelles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier SocECdN, tome LXX, 1938, page 77 la place à Cavan puis dans eSocECdN1947 p737 dit apporter une correction parce que la chapelle est située en Caouënnec.

54 J.Gaultier du Mottay « Répertoire archéologique du département des Côtes du Nord », 1885 pages 273 et 274 qui place à tort le tumulus et la chapelle en Caouënnec.

55 A.L.Harmois « Inventaire des découvertes archéologiques du Département des Côtes-du-Nord » SocECdN, tL, 1912, p252

56 Cadastre de 1835

57 F.Salou ARSSAT

58 AD22 E967

59 AD22 E969

60 L’auteur de ce texte est un descendant à la 7ème génération de la fille né en 1708.

61 Régis de Saint-Jouan « Dictionnaire des communes des Côtes d’Armor », 1990, page 144

62 AD22 E2162

63 AD22 E2163

64 L.Dubreuil « La vente des biens nationaux dans le département des CdN »,1912, p393

65 M.Chassin « Moulins de Bretagne », 1993 p146