La seigneurie de Kerloscant

 

    Le manoir de Kerloscant1 2 ou Kerlosquent3 (alias Kerlosquant4 ou Kerlosquenet5 ou Kerloscant6 7) est situé à 90m d’altitude, à la limite de la commune de Caouënnec avec celle de Lanvézéac, à la source du Ruisseau de Kermarquer.

    La signification du nom Kerloscant reste obscure; la forme Kerlosquant pourrait être dérivée de Losquet = brulé (une frairie de Ker Losquet est attestée en 1426 à Pédernec8) ou de Lost-ar-Stang = la queue ou l’extrémité de l’étang ? Des parcelles Stang Kerlosquant et Praden Losten Stang sont attestées dans le cadastre de Caouënnec9.

    Dans les cinq départements bretons, seuls deux topons « Losquant » sont recensés (aucun Loscant)10 alors que trois topons Losquant existent dans les noms de parcelles de Caouënnec utilisés pour faire ces comptages11. Le cadastre napoléonien présente à lui seul trois lieux dits Kerlosquant (parcelle n°54 + 55, n°445 et n°529, plus le Placis de Kerlosquant). Ces relevés permettent de dire que tous les topons Losquant sont situés en Caouënnec.

    La forme Kerloaquen donnée par l’INSEE en 1946, pour le lieu-dit localisé en cet endroit, me semble erronée12.

    La seigneurie de Kerloscant ne possède pas de justice seigneuriale sous l’Ancien Régime13 14.

 

1. Succession des seigneurs de Kerloscant :

    En 1418, Huon Kerloscaut (alias Kerloscant) devait deux deniers et une obole au sire de Lesversault sur ses biens en Cavan15.

    En 1426, Guillaume Kerloscaut est attesté parmi les nobles dans la paroisse de Cavan et sa trève Caouennec et fait exempter un métayer (Jehan Evenic) à Run Goulhen (Rugolven16 17 18 INSEE) en Louannec19 ; à noter la ressemblance des deux noms de paroisses Caouennec et Louannec qui, sans la précision Run Goulhen, pourrait conduire à des confusions.

    En octobre 1437, Yvon Kerloscault prêtera serment au Duc parmi les nobles de Tréguier et Goello20.   

    En 1457, l’Extrait du Compte d'Olivier Le Roux trésorier receveur général sous le duc Arthur III du 1/10/1457 au 1/4/1458, contient « Jehan Kerlosquant qui avait été archier du corps de feu le Duc Pierre » (1450 à 1457)21.

    « En 1481 dans la montres de l’évêché de Tréguier, Pierre Kerlosquant, qui faisoit homme d’armes, défaillant, est cité à Caouënnec et Cavan ; on dict qu’il est de l’ordonnance et maison d’Avaugour »22 23.

    En 1481, le baron d’Avaugour (terre confisquée à la famille de Blois après l’attentat des Penthièvre en 1420 contre le duc Jean V) est François 1er de Dreux, fils bâtard de François II duc de Bretagne24.

    « Kerloscant, sieur du lieu-dit paroisse de Caouënnec présent aux Réformations et Montres de 1427 à 1481, moderne Lezormel »25 ; à partir de cette date la famille Kerloscant ne semble plus citée.

    Kerloscant passe de la famille Kerloscant à celle de Lezormel probablement par une alliance qui reste à découvrir.

    Pour le patronyme, hors citations, nous retenons la forme Lezormel26, malgré que la forme ancienne semble être Lesormel27.

    Lorsque nous analysons la généalogie des Lezormel28 29 30 31, nous trouvons chronologiquement :

  • Henry vers 1370, écuyer dans les montres de Bertrand du Guesclin32, dont l’épouse n’est pas connue ;

  • Son fils Guyomard, seigneur de Lezormel en Plestin, qui s'est armé pour la libération du Duc avec Jehan de Penhoet amiral de Bretagne montre du 27 Juin 142033, époux en 1413 de Catherine Le Treut (patronyme attesté dans la seigneurie de Coatanlan-Kerjanegan en Cavan-Caouënnec) et non pas non pas Le Neyre, mauvaise écriture de Le Maigre  = Le Treut?34 ;

  • Leur fils Rolland, seigneur de Lezormel, homme d’armes attesté à Plestin dans la montre de l’évêché de Tréguier de 148135, époux en 1440 de Amette de Porzpoden;

  • Leur fils Guillaume, décédé en 150236 37, époux de Anne Lameguin, leur succède comme seigneur de Lezormel ; le patronyme Lameguin ne semble pas connu par ailleurs et pourrait être erroné.

    En 1503, ont comparu à la montre de l’évêché de Tréguier «Olivier de Lesormel de Plouagat Goallon comparu à cheval en robe », « Christophe de Lesormel de Plestin, sieur de Lesormel mineur comparu par Pierre Colin à trois chevaux en estat d’homme d’armes o lance » 38 ; ce Christophe, fils des précédents39 40, épouse en 1515 Louise de La Marche.

    En 1510 Perceval de Lesourmel (alias Lezormel), écuyer, fils de Rolland et Amette de Porzpoden, est seigneur de Kerlostant (alias Kerloscant) et possède la Garenne des Tourelles et le Convenant Barcham dans la paroisse de Lanedern (près de Pleyben)41. Ce Perceval est probablement l’oncle et le tuteur de Christophe ci-dessus42.

    Ce Perceval peut être celui attesté au service de Messire Pierre de Rohan, comte de Marle et de Porcien, seigneur de Gié paroisse de Seiches en Anjou et Maréchal de France de 1481 à 151143.

    En 1540, Louise de La Marche dame des Tourelles, fille de Guillaume de la Marche écuyer, épouse de Christophe de Lezormel, est citée à la tête de ces biens à Landern, probablement comme douairière44.

    «En 1542, Perceval de Lesormel, seigneur de Lesormel, de Tourelles et de Beaumont », fils de Christophe et Louise de La Marche, époux de Jeanne Bégaignon, possède les mêmes biens à Lanedern45.

    De 1562 à 1589, Perceval de Lezormel, sieur de Lezormel et des Tourelles, fils des précédents, époux de Françoise de Kermabon46, possède probablement le domaine de Kerloscant car il passe plus tard à leurs enfants Guillaume puis Noel.

    En 1590, au baptême de leur fils Jean et en 1598 au baptême de leur fille Charlotte, Guillaume de Lezormel, fils des précédents, et Françoise Le Borgne son épouse, sont dits seigneurs de Lesormel, des Tourelles et de Kerloscquant47 .

    Le 11 septembre 1589, Guillaume de Lezormel demande à se réfugier à Morlaix avec sa famille ; sa requête est acceptée à condition qu’il jure l’Union (donc qu’il adhère au parti de Ligueurs). Ensuite il fit sa soumission au Roi.48

    A noter que Adrien, un des fils des précédents, avait pour marraine, le 21 décembre 1600 à Plestin, Marie de Lezormel « seigneur » de Kerloscant. Cet Adrien fut tué le 7 octobre 1624, sur la Lieu de Grèves à Plestin, par François de Coetlogon, sieur de Kervegant en Plouzélambre et seigneur de La Gaudinaye49 . Le contexte de ce duel, deux prétendants pour une même jeune fille, est chanté dans la gwerz de Luzel « Kervégant et Des Tourelles »50.

    A partir de 1590, Noel de Lezormel, frère de Guillaume, époux de Françoise ou Marie de La Tour dame de Penarstang en Plougonven, est seigneur de Kergroas en Plougonven et de Kerloscant.51

    Cette Françoise de La Tour a reçu le manoir de Penarstang en héritage de son oncle François de La Tour évêque de Tréguier de 1585 à 1587.52 53

    Yves de Lezormel , décédé à Plougonven le 27 mars 166754, fils des précédents, marié à Pétronille Jan, est sieur de Kerloscant55.

    Le 18 avril 1669, Pétronille Jehan, veuve de Yves de Lezomel, est citée avec sa fille mineure Guyonne, son fils ainé Jean Baptiste, Marguerite de Kerbouric épouse de Jan de Pellineuc et Yves de Pellineuc leur fils, dans un acte de vente de Kerloscant56.

    Reste à clarifier pourquoi et comment ces derniers sont cités dans cette vente.

    Jean-Baptiste de Lezormel, sieur de La Tour et de Penarstang, fils des précédents, marié en 1675 à Marie-Anne de Trémenec, possède Penarstang en 1675, mais criblé de dettes, ses biens sont saisis le 13 aout 1685 au profit de Guy Chretien, fils de Maurice Chretien et Louise Hamon, sieur de Kerohic, procureur du Roi de l'Amirauté de Tréguier.57

    A noter que, sans rancune chez les Lezormel ou peut-être soumis à l’acheteur, Guy Chretien est le parrain de Blaise-Marie-Guionne, fille de Jean-Baptiste de Lezormel le 8 septembre 1709 à Morlaix Saint-Melaine58.

    Le 22 juin 1690, aveu par Marguerite de Kerbouric pour Kerloscant59.

    Le 22 avril 1691, minu par Yves du Pellineuc pour l’éligement du rachat de Jan du Pellineuc et de Marguerite de Kerbouric sa femme60.

    En 1717, Jacques de Robien, sieur de La Motte et de La Boulaye en Boquého, est l’époux de Sainte-Petronille de Pellineuc dame de Kerloscant61.

    En 1764, le 18 juillet, François Gabriel de Robien, fils de Jacques de Robien et de Sainte-Pétronille du Pellineuc, et futur époux de Toussainte Marguerite Bosquien, chevalier, seigneur de La Boulaye, Kervague, Kerlosquant et autres lieux :

  • baille et délaisse, au sieur Guillaume Le Caer et demoiselle Jeanne-Ursule Geffroy son épouse, marchands de Lannion, à titre de domaine congéable suivant l'usement de l’évêché de Tréguier le lieu et manoir noble de Kerlosquant,

  • et vend aux mêmes le Convenant Le Colven ou Le Scour et le Convenant en Yaouanc ou Le Jeune62.

    En 1766, le 25 juin, François Gabriel de Robien, cité ci-dessus, vend Kerloscant à Guillaume Le Caer époux de Jeanne-Ursule Geffroy.63

    Le 20 octobre 1774, maitre Rolland Le Brozec, notaire et procureur au siège royal de Tréguier en Lannion, époux et procureur de droit de Marie-Jeanne-Gabrielle Le Caer, demoiselle Louise-Yvonne Le Caer (née en 1753), Marie-Jeanne Le Caer (née en 1755) et Anne-Louise Le Caer, filles et héritières de feu Guillaume Le Caer de son mariage avec Jeanne-Ursule Geffroi, présente le rachat de Guillaume Le Caer arrivé le 14 février 1772 mort propriétaire de la moitié de l’héritage ci-après (dont manoir de Kerloscant, Convenant Colven Huellan et Convenant Yaouanc)64.

    Reste à clarifier qui est propriétaire de l’autre moitié de Kerloscant et que devient la partie ci-dessus dont la succession ne comporte que des filles.

    Kerloscant n’est pas mentionné dans la vente des biens nationaux (pas d’acte de vente aux archives65); néanmoins il se retrouve après La Révolution aux mains de la famille Allain, spéculateurs de biens nationaux, dont les descendants le revendront au début du XXe siècle à la famille le Caer qui le possède toujours au début du XXIe siècle66.

    Par contre Convenant Colven, qui était en 1774 aux filles Le Caer ci-dessus, passe (par une parenté Geffroy ?) avant la Révolution à Jacquelot du Boisrouvray (seigneur de Cosquer-Quélennec), puis est vendu comme bien national à la famille Allain spéculateurs de biens nationaux.

NB : pour la suite de ce point, voir Caouënnec-Révolution.

 

2. Liste des biens de la seigneurie de Kerloscant :

    En 1607, le lieu noble Kerlosquant comprend jardin, verger, étable, courtil, terre et bois et un convenant qui n’est pas nommé à cette date mais qui se nomme ensuite, dès 1650, Convenant Colven67.

    En 1772, la seigneurie de Kerloscant comprend le manoir de Kerloscant, Convenant Colven (autrement dit Le Scour) et Convenant Yaouanc68.

    Dans cadastre napoléonien, trois lieux-dits portent le nom de Kerlosquant , à savoir le manoir (A454 et A455), Ty Placent (A466), maison effectivement sur le Placis de Kerloquant et Kerloscant –Bihan (A529); l’étang de Kerloscant (A443) est sur le ruisseau de Kermarquer ; un chemin va tout droit de Kerlosquant à Roudouvin, en passant par Run-an-Groas69 (la Colline de la Croix) à une altitude de 102m70.

    Le manoir de Kerloscant conserve au XXIe siècle dans sa façade de remarquables entourages en pierres sur la porte d’entrée et sur six fenêtres et conserve aussi à l’arrière une demie tour avec toit pointu accolée à la maison dans laquelle loge l’escalier.

 

Notes :

1 Guy Le Borgne « Armorial breton » 1667, réédition 2001

2 Potier de Courcy « Nobiliaire et armorial de Bretagne » 1846, réédition de 1986

3 Carte de Cassini n°156 , levée en 1785 par Lebel et 1790 par Micas

4 Cadastre de Caouënnec 1826

5 Ogée « Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne », 1778, rééditions : 1843, 1979

6 Carte IGN 715 Est

7 INSEE « Nomenclature des écarts, hameaux et lieux-dits » 1982

8 H.Torchet « Réformation des Fouages évêché de Tréguier 1426 » 2003

9 Fichier Rivoli établi en 1974 et utilisé par l’AAIEC

10 Association pour l’Application de l’Informatique aux Etudes Celtiques (AAIEC) « Le parcellaire breton_toponymes élémentaires » 1974

11 Fichier Rivoli établi en 1974 et utilisé par l’AAIEC

12 INSEE « Nomenclature des écarts, hameaux et lieux-dits » 1946

13 S.Ropartz «Guingamp_Etudes pour servir à l’Histoire du Tiers-Etat en Bretagne » 1859, t1, p291 ne la cite pas

14 Y.Botrel « Les justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier », 2002  ne la cite pas

15 H.Torchet « Réformation des Fouages évêché de Tréguier 1426 » 2003 p203

16 AD22 E1486 dans le fief de Barach vers 1759 à Françoise Du Bouilly Turcan veuve de messire Louis Le Corgne de Launay et fille de Jacques-François du Bouilly Turcan.

17 AD22 E1511 : dans le fief de Kerimel

18 AD22 E1541 : dans le domaine de Boisguezennec

19 H.Torchet « Réformation des Fouages évêché de Tréguier 1426 » 2003

20 H.Torchet « Réformation des Fouages évêché de Tréguier 1426 » 2003 p203

21 Dom Morice « Histoire de Bretagne_ Preuves » T2 colonne 1723

22 M.Nassiet « Dictionnaire des feudataires de l’évêché de Tréguier en 1481 » SocECdA tCXXVII, 1998

23 Montre de l’évêché de Tréguier en 1481 par Pol Potier de Courcy (transcription d’Amaury de la Pinsonnais pour Tudchentil)

24 R.Couffon « Quelques notes sur les seigneurs d’Avaugour » SocECdN tLXV, 1933 p83

25 Potier de Courcy « Nobiliaire et armorial de Bretagne » 1846, réédition de 1986

26 Potier de Courcy « Nobiliaire et armorial de Bretagne » 1846, réédition de 1986

27 Guy le Borgne « Armorial breton », 1667, réédition 2001

28 Réformation Manuscrit MS 505 transcription par Amaury de la Pinsonnais

29 Régis de L’Estourbeillon « La Noblesse de Bretagne_Notices historiques et généalogiques », 1895, T2, pages 65 à 67

30 H.Torchet « Réformation des Fouages évêché de Tréguier 1426 » 2003, p213

31 Y.Botrel « Les justices seigneuriales de l’évêché de Tréguier », 2002 page 181

32 Dom Morice « Histoire de Bretagne_ Preuves » 1742, T1

33 Dom Morice « Histoire de Bretagne_ Preuves » T2 colonne 1013

34 Potier de Courcy « Nobiliaire et armorial de Bretagne » 1846, réédition de 1986

35 M.Nassiet « Dictionnaire des feudataires de l’évêché de Tréguier en 1481 » SocECdA tCXXVII, 1998

36 AD22 E1000

37 AD44 B1790

38 Montre de Tréguier en 1503 AD22 1C184 et 74J49, retranscription par Philippe Caron

39 AD44 B1790

40 AD22 E1000

41 AD44 B1138

42 AD22 E1000

43 Dom Morice « Histoire de Bretagne_ Preuves » T3

44 AD44 B1138

45 AD44 B1138

46 H.Le Goff « La Ligue en Basse Bretagne (1588-1598)_Le Tregor au temps de La Fontenelle », 1994, p390

47 BMS Plestin, retranscription par Philippe Caron

48 H.Le Goff « La Ligue en Basse Bretagne (1588-1598)_Le Tregor au temps de La Fontenelle », 1994, p390

49 L.Le Guennec « En Breiz-Izel autrefois » 1940, t4 p176 et pages 187 à 191

50 FM.Luzel « Gwerziou », 1874, réédition de 1971 T2 p 1898à 201

51 R.Couffon « Un catalogue des évêques de Tréguier » eSocECdN 1930 p104, L.Le Guennec « Notice sur la commune de Plougonven » 1922, p216

52 L.Le Guennec « Notice sur la commune de Plougonven » 1922, p216

53 H.Le Goff « La Ligue en Basse Bretagne (1588-1598)_Le Tregor au temps de La Fontenelle », 1994, p272, 383, 390

54 Récif (transcription des BMS)

55 Réformation de 1669 MS505 retranscrit par Amaury de la Pinsonnais

56 AD22 E1517

57 Le Guennec « Nos vieux Manoirs à Légendes » 1936, réédition 1975, t1 p264, L.Le Guennec « Notice sur la commune de Plougonven » 1922, p217 et 218

58 Récif

59 AD22 E1517

60 AD22 E1517

61 Corail-Net, Ph.Caron

62 AD22 E1517

63 AD22 E1517

64 AD22 E1517

65 AD22 1Q2/71

66 Archives familiales de la famille François Le Caer, aimablement mises à la disposition de l’auteur de ce texte en février 2012

67 AD22 E1517

68 AD22 E1517

69 Cadastre 1826 Caouënnec

70 Carte IGN 715 Est

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