Cavan-Caouënnec au Moyen-Age

 

Au Moyen-Age (avant 1503) :

 

Du point de vue religieux, organisation qui prédominait alors, Caouënnec était une trève (ou succursale) de la paroisse de Cavan dans le diocèse de Tréguier1.

 

Limites de Caouënnec : la rivière du Guindy à l’Ouest et au Nord, le ruisseau de Kermarquer à l’Est, le ruisseau de Roudevin (alias Roudoumin, Roudourou) au sud.

 

Pour garantir de pouvoir rapidement administrer le sacrement de baptême aux nouveaux nés et procéder à l’inhumation des défunts, nos ancêtres rassemblaient des hameaux dans une trève, autour d’une église tréviale, lorsque la zone géographique correspondante pouvait être longuement ou souvent isolée de l’église de la paroisse mère2. Il est donc fort probable que le ruisseau de Roudevin (alias Roudoumin ou Roudourou 3) qui prend sa source à l’Est de Convenant Janou pour se jeter dans le Guindy à Kercongard (dont le préfixe « Con » signifie bien Confluent) près de Kericoul, présentait de fréquentes crues.

 

Contrairement à ce qui est mentionné dans des écrits et affiché par des sites sur Internet, le nom de paroisse Cavan n’a aucun rapport avec Plebs Cavana, cité en 1032, comme localisation d’un don de la comtesse Roianteline à l’abbaye de Saint-Georges de Rennes4. Ce Plebs Cavana est la paroisse de Chavane canton de Mordelles entre Mordelles et Bruz au sud-ouest de Rennes.

 

En juillet 1283, pour payer l’amende sous forme de 50 livres de rente de revenu annuel due au duc de Bretagne Jean 1er par l’écuyer Morvan du Quélenec, écuyer coupable de forfait, un arbitrage entre quinze chevaliers, écuyers et bourgeois de Lannion attribue au duc les revenus suivants sur l’héritage dudit Morvan dans les paroisses de Cavan et Lannion :

- dans la ville de Lannion : deux parties du havage (droit du bourreau), la 8ème partie de la taille, les foires de la saint Jean-Baptiste et les droits en dépendant, le devoir perçu sur le sel, la 8ème partie des amendes et défauts,… les 4 deniers de la justice du sang, le droit de gite pour 3 chevaliers,

- dans la paroisse de Cavan : les villas Ker-Stéphan, Ker-Ricou, avec leur dépendances et moulin, la villa Ker-Manach avec ses dépendances sans son moulin et des terres sises à la villa de Ker-Isaac.5 6 7

NB : dans le cadastre de 1835 pour Cavan et 1826 pour Caouênnec, Kerstéphan, Kermanac’h et Kerisaac sont en Cavan et Kericoul / Kericul est à cheval sur Cavan et Caouënnec.

 

Caouënnec s’écrit Couhannec en 14768, Couhaunec en 14789, Couhoannec en 148410, Couhennec en 1531 (ou 1515)11, Cahouenec en 163012, Cavennec en 163613 et en 173114.

Signification de Caouënnec :

Caouënnec s’est probablement écrit Caouen-an-Nech15 ou la Chouette en Haut.

Plutôt que « Petit Cavan » que son auteur reconnait comme un contre sens car la terminaison « ec » dans les mots bretons est augmentative ; elle exprime une idée de grandeur, loin d’être un diminutif 16» il semble plus crédible d’y voir « Caouen » = chouette et « nec » de « cnec » = hauteur, colline17 ; cette caractéristique « le territoire de cette commune est élevé… son église située sur une hauteur, elle s’aperçoit de très loin » est manifeste18.

 

A noter que les paroisses et les trèves étaient elles mêmes divisées en frairies ; une frairie regroupe des hameaux et possède souvent une chapelle.

 

 Du point de vue administratif, dans le duché de Bretagne, Cavan (dont Caouënnec) est en 1426 dans la châtellenie de Guingamp19.

 

Périodiquement le duc organise des montres pour faire une revue des hommes capables de s’armer pour la guerre et de leur équipement pour le combat ; ces hommes sont nobles donc ne payent pas des « taxes » comme les fouages.

Les Réformation20  et Montres de l’évêché de Tréguier attestent les nobles suivants à Cavan en de 1427 à 150321 22 23:

-          Bot (du) Jean, lieutenant du capitaine de Jocelin (sic), en 1481, Plésou, dame de Runaudren, représentée par son fils Jan de Rosmar, en 1503,

-          Caourcin Rolland en 1426,

-          Clech Even en 1426,

-          Coethloury (de) Olivier en 1481, puis Hervé en 1513,

-          Cosquer Roland en 1426,

-          Deryen Roland en 1426,

-          Gallais (Le) Vincent, fils de Jean, défaillant excusé, en 1481 (pas dans les Feudataires),

-          Guen (Le) Jean en 1503,

-          Hemery Guillaume, de Kermerault (alias Kerutrault), en 1481, puis Jean son fils comparait pour lui en 1503

-          Kergrist (de) Vincent excusé en 1503,

-          Kerlosquant (alias Kerloscaut) Guillaume en 1426, puis Pierre, de l’ordonnance de la maison d’Avaugour, en 1481,

-          Kernechriou Roland en 1426,

-          Lesneven Jehan en 1426, Guillaume en 1481 (dit de Kerérel par Potier de Courcy, confusion avec Louannec ?),

-          Liboron Yvon en 1426,

-          Perenos (alias Perennez) Guillaume, de Kerrosay, en 1481, il a une fille héritière en 1513,

-          Pierres Olivier en 1426 (serait de Kervilgoz en Servel pour Potier de Courcy),

-          Quélennec Guillaume en 1426,

-          Rest (du) Jehan en 1426, Roland, de Boisriou, en 1481, Jean, de Coetriou, représenté par Guilaume Le Berre, en 1503,

-          Roux (Le) Henri en 1426, Pierre, de Kerdaniel, en 1481, Charles en 1503,

-          Tanguy Jehan et Jouhan en 1426, Jean en 1481 (serait de La Ville Blanche voir AD22 E2196),

-          Treut Olivier et Jehan l’ainé en 1426,

-          Troguindy (de) Jehan, sr du Launay, en 1503.

 

Les domaines (maisons, terres) de la paroisse de Cavan et de sa trève Caouënnec sont probablement réparties entre ces seigneurs et d’autres qui ne résident pas dans cette paroisse tels que Kernevenoy, Quélen, Hémery et Poences en 1426.

L’existence de nombreux seigneurs résulte peut-être du fait que Hémery, grand seigneur de Cavan, a été dépossédé de ses biens : « La terre et la seigneurie de Cavan est une juveigneurie des anciens barons d’Avaugour, confisquée par le duc Jean Ier (duc de Bretagne de 1237 à 1286 sous le nom de Jean Le Roux), aux héritiers d’Emeri, seigneur de Cavan et de Cavoénec pour raison d’Etat, et donnée par le même prince à Jean, seigneur de Kersaliou, en récompense des bons services qu’il lui avait rendus. A la mort de Kersalio, cette seigneurie fut réunie au duché 24».

Lors d’une succession (exemple décès de son père ou de sa mère), le successeur doit payer à son suzerain un droit de rachat ou faire minu ou aveu, pour éviter la confiscation de son héritage.

 

Quels sont les domaines possédés par ces seigneurs, Potier de Courcy nous permet de les répartir par domaine25 :

Bois-Riou en Cavan : Rest (du)26

Coethéloury ou Coetloury en Caouënnec : Coethloury (de), Libouron (alias Liboron)

Cosquer en Caouënnec: Cosquer,

Kerdaniel en Cavan : Roux (Le)

Kerdonvaly : Clec’h

Kerjanégan en Caouënnec : Treut (Le)

Kerloscant en Caouënnec : Kerlosquant

Kermérault alias Kerverault ou Kerverrot en Cavan : Hémery

Kernevez ou Ville-Neuve : Derrien

Kerouspy en Cavan : Pérenez (alias Perenos)

Kerriou en Caouënnec : Kergrist (de)27

Quélenec (alias la Houssaye) en Cavan : Quélennec28,

Runaudren en Caouënnec: Bot (du), Rosmar (de)

 

Voir en compléments la description des seigneuries dans d’autres documents (un par seigneurie).

 

Tout seigneur possède au moins un suzerain dont il est le vassal ; souvent un seigneur possède des domaines appartenant à différents suzerains.

 

Les seigneurs confient l’exploitation de leurs domaines à des cultivateurs ; les exploitants doivent en retour des rentes (un loyer annuel) au seigneur ; ces rentes sont chiffrées en boisseaux de froment, en boisseaux d’avoine et en nombre de jours de corvées.

De nombreux domaines sont loués sous le régime convenancier où la terre appartient au seigneur et les bâtiments à l’exploitant (ce qui évite au seigneur de les entretenir), l’exploitant paye une rente annuelle au seigneur ; l’exploitant n’a pas le droit de construire de bâtiment en pierres de tailles, ni les couvrir d’ardoises29, en effet lorsque l’exploitant quitte le domaine, le seigneur rachète les bâtiments et il ne veut pas payer de « plus value »; le nom de ces exploitations commence alors par Convenant ….souvent complété par le patronyme de l’exploitant (qui change à travers les années).

 

Les seigneurs ont aussi des droits de prééminences dans les églises et chapelles, dites bâties par leurs ancêtres ; le plus important prééminencier place ses armes coté évangile (comme la statue du patron de la paroisse) et le prééminencier secondaire place ses armes coté épitre (comme la statue du second patron), d’autres prééminenciers ont leurs armes dans des chapelles à l’intérieur de l’église ou dans leurs chapelles privées attachées à leurs manoirs. Le gouverneur du conseil de fabrique tient les comptes des charges et descharges (recettes et dépenses) de son édifice (église ou chapelle) et reverse annuellement une rente au prééminencier. Les recettes sont majoritairement issues de la location de terres appartenant à la fabrique (données antérieurement par des personnes à la fabrique) et par les quêtes, les dons en nature (céréales, pièces d’étoffe, …) et pièces collectées dans les troncs30.

 

L’ancienne église (détruite et remplacée par une autre au XIXe siècle) était dite « de transition du XIIe au XIIIe siècles, composée de trois nefs, cinq travées, sans transept et contenant des pierres tombales du XIVe siècle »31.

 

 

 



[1] H.Torchet « Réformation des Fouages évêché de Tréguier 1426 » 2003

[2] Potier de La Germondaye « Introduction au gouvernement des paroisses suivant la jurisprudence du Parlement de Bretagne » 1788 pages 4 et 5

[3] Cadastre Napoléonien de 1826

[4] Paul de La Bigne Villeneuve « Cartulaire de l’abbaye de Saint-Georges de Rennes », Soc AIV 1876 pages 156 et 157 et page 254 ; Dom Morice « Preuves, 1742, tome 1, col 371 ; Guillotin de Corson « Pouillé de l’archevêché de Rennes », 1880, tome III p491 ; H.Guillotel « Actes des ducs de Bretagne (944-1148 )», 2014,  pages 234 et 235

[5] AD44 E161

[6] Dom Morice « Preuves » tome 1, col 1067

[7] M.Lémeillat « Actes de Jean Ier duc de Bretagne (1237-1286) », 2014, p299 à 302, n°171

[8] AD22 E2167

[9] AD22 E1992

[10] AD22 E2165

[11] AD22 E1630

[12] Erwan Vallerie « Traité de toponymie historique de la Bretagne_Corpus », 1995, p38, Carte de la Bretagne du sieur Hardy

[13] AD22 E1957

[14] Erwan Vallerie « Traité de toponymie historique de la Bretagne_Corpus », 1995, p38, Etat des paroisses de lz Province de Bretagne

[15] J.Lagadec « Le Catholicon Armoricain », 1499, rééd 1977 donne an nech = en haut

[16] B.Jollivet « Côtes du Nord Arrondissement de Lannion et Loudéac, volume IV » 1859, réédition  de 1990, pages 43 et 44

[17] F.Falc’hun « Les noms de lieux celtiques, deuxième série, problèmes de doctrine et de méthode, noms de hauteurs », 1970 p35, 38, 95, 107, 127 et suivantes

[18] J.Gaultier du Mottay « Géographie départementale des Côtes du Nord » , 1862, p590

[19] H.Torchet « Réformation des Fouages évêché de Tréguier 1426 » 2003

[20] H.Torchet « Réformation des Fouages évêché de Tréguier 1426 » 2003

[21] Montres de l’évêché de Tréguier en 1481 par Pol Potier de Courcy

[22] M.Nassiet « Dictionnaire des feudataires de l’évêché de Tréguier en 1481 », Soc ECdA , tome CXXVII, 1998

[23] Montre de Tréguier en 1503 AD22 1C184 et 74J49, retranscription par Ph.Caron

[24] Ogée « Dictionnaire historique et géographique de Bretagne », 1778

[25] Potier de Courcy « Nobiliaire et Armorial de Bretagne »

[26] AD22 E1542

[27] AD22 E1992, E2162

[28] AD44 E161

[29] Traité des domaines congéables à l'usement de Tréguier et Comté de Gouello par escuyer F de Rozmar, avocat au Parlement, originaire du pays " : 12 pages postérieur à 1664 (daté en bibliographie de 1791

[30] Preuves dans les archives de la fabrique de Buhulien, n’ayant pas trouvé celles de Caouënnec, dites détruites (mise à la décharge) lors de la transformation du presbytère en mairie

[31] J.Gaultier du Mottay « Répertoire archéologique du département des Côtes du Nord », 1885, p 273 et 274